
Y a-t-il une ou plusieurs démocraties, autrement un groupe de mots pour définir une seule et même démocratie ? Il faut entendre ici la démocratie comme un régime politique cohérent. Pourtant, ce livre annonce une pluralité de démocraties, ou du moins une contre-démocratie sous de multiples facettes regroupant différentes pratiques de pouvoir qui serait contraignant dans le champ institutionnel.
La contre-démocratie, loin de s’opposer à la démocratie, annonce, de ce fait, une contradiction interne au sein de la démocratie : les citoyens s’emparent du politique dans le but de servir le bien commun, ce qui aboutit à des contre-pouvoirs, d’après lui.
Pierre Rosanvallon semble proposer une définition particulière de la démocratie à travers cet ouvrage et révèle toute son ambiguïté, car oui il n’existe pas une seule et même démocratie : une démocratie, qui dans sa mise en application, se retourne contre elle-même, une sorte de pathos engendré en partie par le populisme. Ainsi, les gouvernés auraient un pouvoir ascendant sur les gouvernants et exerceraient une pression qui déjouerait le rôle initial du pouvoir démocratique. Surveillance, empêchement et jugement relève de l’action des citoyens envers leurs gouvernants ; ce qui contribue à créer une démocratie impolitique. Mais dans ce cas, cela revient à remettre en question la définition même de démocratie : celle du pouvoir par et pour le peuple, dans le but d’atteindre une pleine liberté.
Honnêtement l’auteur est calé sur le sujet, mais il ne se positionne pas, dans le sens où il ne fait pas de critiques directes au regard de cette contre-démocratie. Très théorique, son érudition l’empêche de penser au corps social et à l’idée de communauté au sein de la société, et donc aux conditions concrètes d’existence. Et j’avoue que c’est le point sur lequel j’ai été déçue. J’aurais aimé que des points comme le mouvement social de la défiance, les réformes fiscales ou autres soient abordées. Ceci est donc un ouvrage d’idées (on pourrait même l’appeler la République des idées). La seule critique qu’il émet est celle du populisme qu’il présente comme anti-démocratique. Dans ce cas, pourquoi ne pas le démontrer plus clairement ? En revanche, j’ai apprécié les références politico-historiques, ainsi que philosophiques.
Qu’en est-il de l’actualité de son texte ? Rien de bien nouveau par rapport aux travaux des chercheurs qui le précède. Pourtant, quoique petite cette différence soit-elle, il aborde la défiance avec un regard extérieur : elle minerait le champ des possibles, et ferait barrage à l’action politique, celle du gouvernement.
Ainsi, j’aurais voulu qu’il développe plus, et qu’il soit plus engagé dans son texte. Il survole un peu, ce qui m’a laissé un peu sur ma faim.
En bref, un ouvrage très bien documenté, agréable à lire, et surtout un vocabulaire franchement pas méchant pour comprendre la crise des démocraties actuelle. Surtout ça peut être intéressant dans le contexte des élections puisque, par exemple, Rosanvallon démontre en quoi considérer l’abstention lors du vote électoral contribue à un meilleur équilibre politique et donc à une meilleure représentativité.
Chacun est libre de lire cet essai !