
Une histoire fictive certes, mais qui fait écho à l’Histoire avec un grand H : un héritage de la guerre libanaise. La pièce la plus réaliste du quatuor Le sang des promesses. L’auteur interroge les brutalités du monde contemporain. Si son théâtre n’est pas historique, il y a tout de même une ligne interrogative qui révèle ce qui habite Mouawad et ce qui ne l’habite pas. L’auteur se laisse submerger par la réalité pour donner naissance à la fiction. Sa rencontre avec le photographe Josée Lambert, puis la réalisatrice d’un film documentaire sur les femmes prisonnières du centre carcéral Khiam au Sud du Liban : Randa Chahal Sabbag, et enfin avec une chrétienne du Liban-Sud : Souha Bechara. Le chemin narratif est le suivant : allant de l’Histoire à la fiction, et non l’inverse. Néanmoins, l’événement historique décrit dans Incendies -l’invasion politique israélienne- n’apparaît pas, il n’y a que l’émotion qui prime. D’après les mots de Wajdi Mouawad, l’occupation israélienne du Liban-Sud s’efface, l’événement devient « souterrain » pour donner à voir un visage, celui de l’Histoire. De fait, les lieux sont volontairement pas nommés, le pays de Nawal notamment et désigné ainsi « le pays de votre mère ». Ne sont pas nommés aussi les noms des confessions, des communautés, des milices et leur nombre : ni Palestiniens, ni Israéliens, ni chiites, ni chrétiens, ni druzes. La distinction s’opère en quatre ensembles séparés : « les miliciens », « l’Armée du Sud », « les réfugiés » et la « résistance de la région du Sud. ».
Que ce soit aux premières pages ou au milieu du texte, j’ai été étonné que l’auteur ne donne aucune explication de la guerre, pas même les acteurs en conflits. Tous commettent des actes criminels qui se confondent dans la violence, c’est pourquoi l’auteur n’établit pas de distinctions entre les camps, puisque les actes sont semblables.
Chronologiquement, les dates ne correspondent pas à la réalité historique, la guerre du Liban. On peut dater le début de la guerre dans la récit avec l’avancée en âge de. Nawal. Dans le récit, la guerre commencerait donc en 1958, tandis que la guerre débute officiellement en 1975. Cette absence de dates donne ainsi au temps un caractère insaisissable. Le temps n’est pas historique.
L’auteur interroge l’identité, la notion d’engagement, la violence. J’ai été ému et j’ai ressenti une multitude d’émotions se manifestant sous plusieurs formes : le rire, l’émoi, les larmes.
Cette pièce qui donne une expérience de la catharsis, c’est-à-dire à la fois un espace de consolation et partage, présuppose une cohérence dans l’incohérence.
En lisant cette pièce, on se retrouve littéralement la tête à l’envers.
Je conseille évidemment.