
Les lettres d’un jeune « maître » à son « disciple », écrites avec soin puisqu’elles sont pleines de conseils, de tendresse et de bienveillance ; aujourd’hui, elles s’adressent à celui qui suit la voie de la création artistique, et se lance alors dans une quête spirituelle.
Cette correspondance a-t-elle l’allure d’une prose ? Je dirais oui pour le rythme et les mots choisis. Bien que la forme ne suive pas, ces lettres ont tout d’une prose, parce qu’elles ont une essence profondément poétique ; c’est pourquoi on peut lire cet ouvrage comme un recueil poétique. Une parole poétique et orale, qui nous transporte aux tréfonds de nos pensées les plus intimes. Une prose détachée de toute convention. Irrégulière et personnelle, elle donne le rythme. Une prose qui n’a pas de code, dont la structure est libre, il n’y a que l’alphabet pour dicter la plume de l’auteur dans le mouvement.
En somme, des bouts de phrase écrits, dans un langage orale. Bien qu’elles soient adressées à Franz Xaver Kappus, à la lecture de ces lettres, on rentre dans son propre moi intérieur ; ce qui, je dois dire, m’a vraiment plu.
Ce jeune poète, écrivant d’une plume aiguisée et précise sait trancher quand il le faut, sans doute le doit-il à son expérience en tant que critique littéraire. A vingt-sept ans seulement, émane de lui un élan vital, qui surprend tout de suite le lecteur. Ainsi, il nous transmet le besoin de saisir le réel pour affiner son regard sur les choses qui nous entoure, et trouver cet émerveillement du monde qui mérite d’être nommé, pensé, et façonné, et que tout poète en devenir se doit de mettre en pratique.
C’est aussi une réflexion sur ce qui oppose le journalisme de la littérature, et de la critique ; des domaines « mi-artistiques » tous autant en contradiction avec ce que l’on appelle l’art poétique ou création artistique à travers duquel, plus généralement, l’universalité des vers est définie par ce rythme dans le langage.
Sa réflexion sur l’amour, où il en parle avec beaucoup de finesse, me fait beaucoup penser à Nietzsche et à son évaluation exigeante sur l’art d’aimer et d’être aimé. Mais le thème dominant dans ces lettres est la solitude que l’on peut rapprocher à l’introspection de l’être (ou de l’artiste). D’ailleurs, il en parle positivement et éloigne toute circonspection à cet égard !
Une lecture intéressante, riche en réflexion, qui révèle la sensibilité artistique de l’auteur.
Une très belle découverte.