
Cette étude met en lumière un problème important de la politique en Islam depuis le MA : le problème théologico-politique. Comment se fait-il que le théologique prenne le pas sur le politique ? Comment comprendre la relation entre les gouverneurs et les gouvernés ? Faut-il se gouverner soi-même pour gouverner les autres ? Pourquoi est-ce que l’Islam légitime l’obéissance à un gouvernant par la légitimation divine ? L’auteur, Makram Abbès, a pour objectif de faire ressortir l’originalité du texte d’Al-Mâwardi. La relation entre le politique et la religion, le devoir d’un prince en comparaison avec la conception de l’homme en général, ainsi que les aptitudes et compétences à avoir pour bien gouverner l’Etat.
L’auteur tente de répondre à ces questions en réévaluant les vertus des Miroirs des princes arabes (adab sultaniyya). Les Miroirs sont un héritage intellectuel arabe. Les textes ont été rédigés par des lettrés et savants proches des pouvoirs politiques. En laissant de côté le protocole et l’étique royale, l’auteur tente d’analyser la finalité de ces maximes en se concentrant sur la relation gouvernants/gouvernés. Autrement dit, en mettant en avant les rationalités gouvernementales. La rationalité est associée à la logique de la souveraineté, et l’administration, d’autre part. Il tire sa source du texte d’Al-Mâwardi qui montre que les Miroirs arabes s’écartent de toute exhortation morale. Il est important de noter que les Miroirs arabes sont avant-tout des traités de gouvernement. Un chapitre éthique sur les qualités du Prince est inclus dans les Miroirs arabes, tandis qu’ un chapitre plus politique concerne l’administration de l’Etat. La finalité de son étude consiste donc à étudier les savoirs du gouvernement et à analyser les différentes formes de rationalité politique.
Les Miroirs arabes était souvent dépréciés par certains historiens, comme c’est le cas de al-Jabri, (étude sur les Miroirs : Raison politique en Islam) qui y voit une morale au service des Princes. Ces textes théoriques ont été conçus pour refléter les traits du bon gouvernement, les droits et devoirs d’un prince, une définition de la relation gouvernants/gouvernés. Mais il ont été vu comme des traités servant à maintenir le peuple dans la servitude.
Ainsi, des textes permettant aux princes de mieux maîtriser les mécanismes de domination entraînent inévitablement un despotisme. Selon A.Badawi, les Miroirs agissent comme un masque qui cache des pratiques tyranniques. Un masque qui empêche l’inculcation de vraies valeurs aux peuples. Selon lui, dans une veine similaire à Nietzsche, les Miroirs ont formé « une mentalité d’esclaves ».
En résumé, une étude sur comment gérer et diriger en Islam. En essayant de ne pas comparer les représentations politiques en Islam aux représentations politiques occidentales à travers les relations complexes de l’Eglise et de l’Empire, l’auteur fait une comparaison avec le genre occidental du Miroir des princes. On en apprend beaucoup sur Al-Mâwardi et sa relation avec le califat abbasside et l’émirat buyide. Il est une référence en matière de droit politique islamique. Il s’est posé comme arbitre des conflits politique, de l’opposition entre émir et calife (al-Qa’im en particulier à partir de 1031).
